Haro sur le baudet ?
Il est facile de désigner comme coupable celui qui se défend le moins.
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L'agriculture et ses agriculteurs vont mal depuis un certain temps. Que les cours du blé remontent et on les traite d'affameurs. Que les politiques annoncent de nouvelles aides et c'est un tollé dans la société civile. Que les médias enquêtent et c'est pour décrier un système intensif et pollueur.
La télé nous a gratifiés de deux reportages sur le malheur des paysans : En immersion d'Harry Roselmack, et Le désespoir est dans le pré d'Olivier Delacroix. Ils ont eu le mérite de parler d'un sujet difficile, mais les commentaires de la profession y étaient contradictoires… Puis est venu le temps des titres racoleurs : Notre poison quotidien de Marie-Monique Robin ou Manger peut-il nuire à notre santé ? d'Isabelle Sapora… Cette dernière n'hésitant pas à recycler les images d'un reportage de 2009 en changeant le commentaire.
A la radio, c'est le même discours, sans les images. Jean-Marie Pelt, sur France Inter tous les samedis, ne ménage pas dans CO2 mon amour les allusions à la Bretagne et à ses excès productivistes. Quant à Jean-Pierre Coffe, il est au four et au moulin et n'arrête pas de vilipender ces holsteins « pisseuses de lait qui ne voient plus un brin d'herbe ».
Tous ces journalistes partent en reportage comme en croisade, avec des idées préconçues et un manque d'objectivité flagrant. Au nom de la défense du consommateur et parfois d'une information racoleuse, ils disent lutter contre les grands trusts qui manipulent et engrangent des bénéfices colossaux. Tous clament haut et fort vouloir défendre le petit agriculteur victime du système. Marre de ces donneurs de leçons qui ne connaissent rien aux contraintes de la production et se permettent de véhiculer des messages partisans à leurs auditeurs. Car ces derniers sont aussi des consommateurs qui pensent s'empoisonner en mangeant des produits français, pourtant bien mieux tracés que ceux importés.
Oui, le système est impitoyable et ne pardonne pas les erreurs. Oui, il contribue à une disparition drastique des paysans. Oui, il faut revenir à des modes de production plus sensés. Mais le « tout bio » ou « tout circuit court » ne sont pas réalistes. Et d'ailleurs, vendre à qui lorsque l'on voit les médecins, les institutrices et bien d'autres catégories professionnelles qui ne veulent plus venir s'installer à la campagne ? Un litre de lait, une côte de porc, une cuisse de poulet, un kilo de blé sont devenus des produits de base pour la transformation industrielle. Et quoi qu'en disent ces journalistes grand public, il faudra les produire en masse, avec des normes strictes, à un coût acceptable pour nourrir les millions d'habitants des villes qui ne viendront jamais faire leur marché à la ferme. À défaut, nos industriels, qui ne trouveraient plus de matière première sur place, délocaliseront. La vérité est qu'il faut trouver un juste équilibre entre production, transformation et distribution… un combat loin d'être gagné.
Les intégristes ne font pas avancer le monde. Par contre, défendre ses valeurs et les conjuguer avec le réalisme économique permet de créer des systèmes pérennes. Non, les trente années glorieuses n'ont pas été toujours roses pour le monde paysan. Il y avait beaucoup de misère dans les petites « biqueries » et l'ambiance conviviale des moissons ne compensait pas le travail harassant du quotidien. La restructuration en a laissé beaucoup sur le carreau. Que la noble caste des journalistes arrête de nous faire la leçon et la prochaine fois qu'Harry vient en immersion, qu'il passe au moins une cote de travail.
Ma grand-mère disait, à moins que ce ne soit Brassens : « Mourir pour des idées… D'accord, mais de mort lente. »
PASCAL POMMEREUL
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